lundi 17 février 2014

Chapitre 4 : De l'art-thérapie et des art-thérapeutes ...

"Dans le contexte actuel d'une prolifération des thérapies à médiation artistique référées à des champs théoriques très hétérogènes, souvent désignées par l'appellation floue d'art-thérapie, qui ne renvoie à aucune conceptualisation d'ensemble mais à des fragments de théorisation en archipel, il s'impose de dégager les conditions requises pour la mise en place d'un cadre qui relève réellement de la psychothérapie psychanalytique, et de définir les modalités spécifiques de processus de symbolisation à l'oeuvre dans de tels cadres." 
Anne BRUN (1)

L'art-thérapie est une méthode de soin, une psychothérapie médiatisée.
Elle s'apparente à une psychothérapie classique à laquelle on a rajouté un temps de production.
Mais elle est bien plus que cela, car elle interroge le sujet sur sa création et sa créativité en convoquant l'art au service du soin.
C'est lors de la phase de transformation du sujet par lui-même que l'on a laissé s'engouffrer le loisir, la société du spectacle (mercantilisme), le développement personnel, le coaching, la spiritualité et le bien-être ...
L'art-thérapie est pour moi une méthode, un outil formidable et passionnant, et je l'ai toujours défendue au sein de l'institution hospitalière où elle reste encore de nos jours méconnue.

Les art-thérapeutes utilisent cette méthode dite de l'art-thérapie de différentes manières, ils ne parlent pas le même langage et l'art-thérapie demeure dans la dissociation et le morcellement.
Actuellement, je distingue 4 groupes dans le positionnement professionnel des art-thérapeutes :

Le 1er groupe se positionne dans une art-thérapie du loisir, de la société du spectacle (consumérisme) participant largement à notre société de consommation en relation avec l'économie capitaliste.

Le 2e groupe se positionne dans une art-thérapie infiltrée par le développement personnel, le coaching, la spiritualité et le bien-être.
La carence de formation en sciences humaines se fait sentir, et il y a comme corollaire à ce positionnement l'abandon de la clinique !

Définition du "développement personnel" trouvée dans Wikipédia :
"On nomme développement personnel, épanouissement personnel ou croissance personnelle un ensemble de pratiques ayant pour finalité la redécouverte de soi pour mieux vivre, s'épanouir dans les différents domaines de l'existence, réaliser son potentiel, etc. Il n'existe pas une méthode unique de développement personnel, mais une multitude d'approches et de pratiques qui s'attachent à cet objectif. Divers enseignants de développement personnel se réclament de la psychologie, ou encore du bouddhisme zen. Il y a donc une large variété de disciplines qui lui sont liés, dont certaines à vocation individualistes ou encore spirituelles."

"Le secteur du "développement personnel" fait souvent l'objet d'une certaine méfiance de la part des médias et des pouvoirs publics. La méthodologie est parfois jugée nébuleuse et des groupes sectaires comme la scientologie sont parfois accusées de s'en servir pour recruter de nouveaux adeptes. Certaines promesses et certains idéaux seraient susceptibles d'abuser la vulnérabilité de quelques-uns et de les attirer dans des pratiques non reconnues qui pourraient présenter un danger pour la santé. Le développement personnel ne s'appuie sur aucune base scientifique, ses méthodes s'inspirent des spiritualités et des pseudosciences,  et il se distingue des thérapies psychologiques conventionnelles."
Robert EBGUY (2)

Le bien-être que l'on propose dans les Salons du Bien-Etre avec la thalassothérapie, la balnéothérapie, l'aromathérapie...etc, a peu de choses en commun avec une psychothérapie !

Il me semble pour ma part que le développement personnel et la spiritualité sont au rendez-vous de fait dans toute rencontre y compris dans celle du patient avec son thérapeute.
Est-il besoin d'en rajouter ! Depuis le jour de notre naissance jusqu'à notre mort, nous sommes en développement personnel.

"Avons-nous besoin de tuteurs, de techniques et de recettes, de gourous, de guides, de guide-âne pour nous dire qui nous sommes ?
Avons-nous besoin de gardiens, de conseillers, d'accompagnateur, de bergers, de cicérons, de mentors pour "positiver" ?"
Robert EBGUY (2)

Le 3e groupe met en exergue la fonction cathartique de l'Art reconnue depuis l'Antiquité.
Mais est-ce suffisant pour servir de fondement à une thérapie ?

Le 4e groupe se positionne dans la thérapie ou la psychothérapie.
Ce sont des professionnels ayant de solides bases théoriques avec une pratique professionnelle. Ils ont rajouté à leurs pratiques l'art-thérapie en tant que sur-spécialisation.

Force est de constater qu'il y a plusieurs métiers réunis sous l'appellation Art-thérapie !

Épilogue :
Je ne souhaite pas enfermer l'art-thérapie uniquement dans le domaine de la psychologie et de la psychanalyse. Je travaille à un juste équilibre entre l'art et la thérapie.
Du côté de l'Art, il ne faut pas faire abstraction de son Histoire et des techniques d'arts plastiques.
Du côté de la Thérapie, n'oublions pas la clinique, la psychopathologie de l'expression, la philosophie ...
L'art-thérapeute par son savoir-faire et son savoir-être est le trait d'union entre Art et Thérapie !

Comment fédérer des courants aussi divergents ?
Je pense au travail de la Fédération Française des Art-Thérapeutes en écrivant cela.

Comment construire un référentiel de formation des art-thérapeutes qui permettent d'arrêter les dissensions et de rendre crédible le métier d'art-thérapeute ?
Je pense en disant cela aux différentes orientations des organismes de formations.

Il y a peut-être une voie fédératrice, c'est celle de la construction du Diplôme d'Etat d'Art-Thérapeute qui peut créer un vrai métier avec des emplois dans le public, le privé et le libéral.
Un vrai métier avec des grilles de salaires, des cotisations aux caisses de retraites ...
Un vrai métier reconnu par la CPAM et les Mutuelles !
Mais tout cela n'est qu'un rêve, une illusion car se serait la fin des prérogatives et des dogmes.
Nous vivons dans une tout autre réalité, celle de la société ultra-libérale où l'on fait commerce de tout.
L'art-thérapie est à la mode, et elle n'échappe pas à ce phénomène.

"On ne commence à vivre vraiment qu'en sortant des limites de son ego conditionné par le regard des autres, pour apprendre à être soi, en toute indépendance, au milieu des autres."
Robert EBGUY (2)

Je laisse le mot de la fin à Michel BAKOUNINE (3) :
"Ni Dieu, ni Maître"

Bibliographie :
(1) Anne Brun, Bernard Chouvier, René Roussillon
Manuel des médiations thérapeutiques / Dunod 2013

(2)Robert Ebguy est sociologue, directeur de recherches au Centre de Communication  Avancée international.
"Je hais le développement personnel" / Eyrolles 2008

(3) Michel Bakounine
"Dieu et l'état" / Mille et une nuits 2000

(4) Laura Grignoli
"Art-Création Thérapie, discours autour de ce que l'on appelle Art-thérapie" / Voix éditions 2010

Jean-Louis Aguilar / Art-thérapeute