vendredi 20 mars 2015

GR3 : Approche systémique et création thérapeutique

Il s'agit d'un Groupe de Recherche ARAT, qui travaille sous la forme d’échanges de mails.
Il est animé par Adeline Gardinier-Salesse, psychologue clinicienne.

 Echange 1
- Merci pour ce partage. Votre approche par la thérapie systémique est très intéressante. Est-elle basée sur une adaptation de la biologie totale pour la psychothérapie ? 
Bonne journée ! 
Vicky 
- Bonjour Vicky, 
 
Il y a quelques idées de biologie totale avec lesquelles je suis en accord. Notamment que la maladie a toujours du sens, que rien ne me parait incurable et que la dimension psychologique du symptôme est loin d'être négligeable. 

Toutefois, je trouve cette approche dangereuse lorsqu'elle ne respecte pas suffisamment le système somatique. En effet, la psyché et le soma sont deux systèmes interconnectés. Ils s'influencent donc mutuellement. Il ne faut donc pas, selon moi, négliger les traitements médicaux et traditionnels.


En fait, ma vision est assez optimiste puisqu'elle repose sur l'idée que chaque symptôme, qu'il soit physique ou psychique, doit bénéficier systématiquement d'un double traitement: médical et psychologique. Trop souvent, le souffrant n'est pris en charge que sur un seul pôle. La considération des deux versants multiplierait les capacités d'avancement puisque les systèmes s'inter-influencent. 

De même, réfléchir l'un en fonction de l'autre est très important. Finalement les somaticiens et les spécialistes du psychisme devraient régulièrement travailler en coordination afin que le suivi soit pertinent. 
Exemple : dans mon deuxième livre qui va paraitre, je mets en évidence que les effets secondaires des traitements sont intimement liés au contexte psychologique de la prise. 

Je suis très contente que vous ayez pris le temps de me lire. 
Je vous remercie pour cette question à laquelle je n'avais jamais réfléchi. Je vois que vous êtes présidente chez D. Vous devez, chaque jour, observer la manière dont les caractéristiques des enfants surdoués peuvent avoir du sens dans le contexte dans lequel ils apparaissent. Votre travail doit aussi être très passionnant. 

Je vous souhaite une très belle journée en attendant de nouveaux échanges. 
Adeline Gardinier.


 Echange 2
Bonjour Madame,

Je serais heureux de développer avec vous un certain nombre de notions mieux connues par l'autre et bien sûr d"échanger avec vous sur des sujets divers que nous voulons mettre en lumière en commun .
C'est mon esprit de recherche qui me suggère cette première piste.
Je vais me permettre de vous poser une question sur notre travail chez les adolescents avec lesquels j'ai travaillé pendant une longue période en institution psychiatrique et judiciaire. Je dois parler prochainement des pervers narcissiques et veux d'abord montrer qu'il y a différentes sortes de manipulations.Mais je voudrais savoir si vous aviez des mots simples et parlants pour différencier la psychopathie, l'héboïdophrénie et l'état-limite de Bergeret à partir de signes cliniques.
Excusez moi de m'introduire de cette manière mais c'est pour mon intérêt personnel et à charge de revanche. Formule un peu gauche mais utile dans l'échange.
De toute façon, merci et à bientôt.

Cordialement vôtre.
Pierre
Bonjour Pierre,
 Votre sujet est très intéressant et me conduit à réfléchir certains thèmes sous un regard différent. Dans les trois pathologies présentées, il me semble que nous retrouvons cette même entrave dans l'élaboration de la position dépressive du jeune enfant. Selon moi, dans les trois formes d'expression, il s'agirait alors d'un degré d'intensité différent de cet échec de dépassement de la position schizo-paranoïde.

Dans la psychopathie, cette capacité "de s'en faire" par rapport à l'objet total est moindre. L'autre est manipulé pour arriver à ses fins sans souci de son vécu. Dans le fonctionnement limite, le sujet n'a pas volonté de nuire. Dans ses actes désadaptés, il cherche à apaiser une tension psychique optimale. Ce but peut alors engendrer des dommages collatéraux pour les personnes en face. Toutefois, le borderline est hypersensible et éprouve une culpabilité signifiante suite à ses PAL. Là où le psychopathe présente des défenses narcissiques consistantes, l'état limite doute et ne s'estime pas. Leurs défenses, face à une problématique dépressive déniée, sont donc contraires. L'un (psychopathe) lutte, face au mouvement d'effondrement, dans une réaction de prestance et anti-sociale. L'autre (borderline) se défend de ses lourdes carences dans une attitude d'abnégation et de déni sacrificiel jusqu'à explosion auto ou hétéro-agressive. 

Il me semble que les trois pathologies réfèrent donc à des degrés différents de déni de la problématique narcissique.

L'héboïdophrénie correspondrait à la défense la moins adaptée pour se confronter au problème. Dans les périodes de stabilité, l'expression psychopathique serait le moyen employé pour maintenir de manière permanente la problématique interne loin du sujet. Lors des décompensations, l'état dissocié traduirait la rigidité du nœud à dénouer et les résistances signifiantes sous-jacentes. Dans l'état limite, l'accès et la capacité de travail des traumas enfouis est plus souple. D'ailleurs, dans l'après coup de la crise, le sujet est capable d'introspection et de remise en question.
 Pour résumé, la psychopathie apparaitrait comme l'expression défensive maintenant le plus à distance de la problématique dépressive déniée. Dans l'héboïdophrénie, on accèderait dans les périodes dissociés à une tentative de démantèlement de cette forteresse rigide. Enfin, le fonctionnement limite serait l'aménagement le plus souple afin d'accéder et de travailler à l'élaboration de la problématique identitaire.

Bien sûr, cette vision présentée est fortement teintée par les observations, les concepts et outils empruntés des expériences thérapeutiques rencontrées dans ma pratique. Il ne s'agit que de mon regard....

En espérant avoir pu faire avancer vos réflexions et pensées, je vous souhaite une bonne journée.
Adeline Gardinier