jeudi 3 août 2017

Les formations à l'art-thérapie : de l'Amérique du Nord à l'Europe (3)

Compte-rendu du Colloque Les formations à l’art-thérapie : De l’Amérique du Nord à l’Europe.



Jean-Louis Aguilar, Art-thérapeute, membre du Collectif National des Art-Thérapeutes-
CNA-T (France)

Curieusement, je me suis retrouvé à représenter le France à l'insu de mon plein grè !
J'ai donc présenté les deux motions votées et approuvées lors de la création du Collectif National des Art-Thérapeutes, le CNA-T à la Friche Lamartine de Lyon le 15 avril 2017.

Avant d'aller plus avant, je fais le constat suivant : dans aucun pays l'art-thérapie n'est réellement reconnue, les art-thérapeutes sont accrédités par des associations et il n'y a pas de diplôme d'état.
En France, pays centralisateur, nous avons la possibilité d'arriver à la reconnaissance de l'art-thérapie et du métier d'art-thérapeute en passant par le diplôme d'état.

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J’ai exercé pendant 30 ans en psychiatrie publique au Centre Hospitalier de Béziers. Pendant 20 ans, j’ai animé des ateliers d’art-thérapie et je me suis heurté à beaucoup d’incompréhension de la part de mes collègues et de l’institution !

Je pense être le premier art-thérapeute retraité de France ! (humour, mise en retraite le 1er mai 2016 !)

La diffusion du travail en d’art-thérapie :

Mon travail en art-thérapie a été remis en cause par les ergothérapeutes qui voient en l’art-thérapeute un rival.

Aujourd'hui l’encadrement infirmier ne comprend pas le but de l'art-thérapie lui préférant le loisir, l'occupationnel et l'animation ! Pour clarifier mon propos, il faut savoir que le travail clinique est dénié en psychiatrie, préférant traiter le symptôme à court terme !

L’administration et en particulier la Direction de la Communication, ne jure que par le programme « Culture à l’Hôpital », croyant que l’art ça soigne !
Les nouveaux psychiatres ne s’intéressent pas à l’art-thérapie, ayant trouvés dans les TCC une panacée !

L’exposition des œuvres des patients des ateliers d’art-thérapie en psychiatrie :



N’ayant aucun cadre légal à ma disposition qui me satisfasse, j’ai mis en place un contrat d’exposition avec le patient.
L’œuvre lui appartient, il peut la récupérer après l’exposition, la vendre ou la laisser, auquel cas elle sera archivée dans la réserve du local d’art-thérapie.

La conservation des productions en art-thérapie :



Pendant le temps de la médiation thérapeutique, il ne s’agit pas d’œuvres d’art mais de productions, qui sont garanties par le secret professionnel et médical.
Ces productions sont archivées dans la réserve de l’atelier d’art-thérapie. Le problème de leurs conservations est le suivant : à la suite de mon départ à la retraite, les œuvres et les productions des patients ont été jetées à la benne !

L’art-thérapeute n’est pas attendu à l’hôpital !

Quant à l’art-thérapie, elle ne sera reconnue que le jour où elle quittera le champ du bien-être, du développement personnel, du coaching, de la spiritualité…

Pour ce faire, j’ai présenté au tout nouveau Collectif National des Art-Thérapeutes qui s’est constitué à Lyon deux motions qui vont dans ce sens.

1ère motion : création d'un Diplôme d’Etat d’Art-Thérapeute (DEA-T)
Pour une Art-Thérapie Contemporaine, intégrative et systémique.
Pour un juste équilibre ente art et thérapie !

Contemporaine : c’est une art-thérapie du XXIe siècle de tous les art-thérapeutes de base et qui n’est pas le fait d’une seule personne.

Intégrative : elle réunit tous les courants de pensées, toutes les modélisations, tous les concepts qui concernent de près ou de loin l’art-thérapie.

Systémique : dans le système des soins, dans le système du développement personnel, dans le système du bien-être, dans le système de la spiritualité !

Introduction :
Ce que je vous propose, c'est un véritable
Diplôme d'Etat d'Art-Thérapeute, le DEA-T.

Un DEA-T sur trois ans après le bac = niveau bac+3 = niveau licence avec la possibilité d'intégrer le système L-M-D (License-Master-Doctorat) pour celles et ceux qui souhaitent approfondir leurs recherches comme cela se pratique dans d'autres professions.

Ce métier, cette profession en devenir est une illusion, puisque le plus souvent les formations proposées le sont pour des professionnels de la santé et de l'éducation, c'est une spécialisation mais pas encore un métier !
Comment fédérer une spécialisation qui n'est pas un métier et encore moins une profession ?
La conséquence de cette situation douloureuse pour beaucoup d'entre vous, m'amène à constater une réalité de terrain, les art-thérapeutes sont auto-entrepreneurs ou associatifs  car les portes de l'Hôpital leurs sont fermées.
Le métier d'art-thérapeute n'est pas référencé au "Répertoire des métiers de la Fonction Publique Hospitalière".
Il n'est pas reconnu  non plus en tant que profession libérale dite réglementée mais seulement reconnu comme profession libérale non réglementée au même titre que voyante, cartomancienne, astrologue ou détective ?

"Un diplôme = un métier = une profession !"

Un Diplôme d'Etat d'Art-Thérapeute sur 3 ans ?

Préambule :
Le concept générique d'art-thérapie regroupe les disciplines des art-plastiques, de la musique, de la danse, du théâtre, des arts de la scène.
Mais il est d’une importance stratégique de considérer l’art-thérapie dans une dimension élargie aux médiations thérapeutiques, artistiques et culturelles et de ne pas faire l’erreur de la considérer comme seulement utilisatrice de médiations artistiques.
Nous pourrions imaginer pour l'étudiant en art-thérapie un tronc commun pour la première année. Ensuite, il choisira son orientation à partir de la deuxième année.

1. La Théorie : L’art-thérapie intégrative et systémique
Des apports théoriques sans aucunes exclusions.
Il s'agit au contraire d'inclure tous les domaines susceptibles de toucher et d'intéresser l'Art-thérapie.

La psychanalyse dans une dimension intégrative (Freud, Jung, Reich, Lacan, Mélanie Klein, Marion Milner, Winnicott…)
La psychologie, les psychothérapies humanistes
Les TCC
La psychopathologie et la clinique
La psychiatrie, la cancérologie, la pédiatrie, la gériatrie...
La psychopathologie de l'Expression.
L’anthropologie, l'ethnopsychiatrie, la philosophie, la phénoménologie...
Le développement personnel, la relation d'aide centrée sur la personne, la spiritualité, les médiations corporelles (relaxation, sophrologie, méditation), etc...
La liste n'est pas exhaustive, vous avez  surement des disciplines à rajouter ?

2. La pratique :

L'étude de l'Histoire de l'Art est associée à des ateliers expérientiels sur les arts et les médiations thérapeutiques, artistiques et culturelles.
Les arts plastiques, la danse, la musique, le théâtre, le conte, les masques, les marionnettes, le clown, l'orthi-thérapie, l'équi-thérapie, la zoothérapie, etc... 
Et bien d'autres choses comme la cuisine, la pétanque, la randonnée, le tricot...qui introduisent le concept de créativité de Winnicott concernant l’objet transitionnel et l’espace transitionnel totalement différent du cadre restrictif des médiations artistiques !
L'étudiant en art-thérapie devra se confronter avec l'éprouvé du processus de Création.

A l'exposition de ses œuvres pour ressentir esthétiquement les effets cathartiques de son art. Il se confrontera aux regards et à la critique de l'Autre avec son désir de reconnaissance et la reconnaissance de son désir !

3. Les stages en entreprises :
En alternance avec les apports théoriques et les ateliers de mise en pratique, l'étudiant ira s'immerger dans le monde du travail.
Dans le domaine hospitalier, en psychiatrie, pédopsychiatrie, pédiatrie, cancérologie, soins palliatifs, gériatrie, etc...
Dans le domaine du privé, en clinique, centre de rééducation, institutions diverses, IME, Ateliers occupationnels, FAM, ESAT, etc...
Dans le domaine du libéral, en accompagnant des art-thérapeutes en cabinet.

4. L'analyse et la supervision :
L'étudiant entamera une psychothérapie pour en ressentir les effets.
Il sera supervisé pendant sa scolarité et ses stages en entreprises.

5. La scolarité :
L'étudiant en art-thérapie valide chaque année son passage dans l'année suivante par un examen tant théorique que pratique.
Les stages de terrain sont notés.
En fin de troisième année, l'étudiant remet un mémoire et doit passer l'examen final tant théorique que pratique pour l'obtention du Diplôme d'Etat d'Art-Thérapeute !

"Un diplôme = un métier = une profession !"

2e motion : création du Syndicat National des Art-thérapeutes
Le syndicat me semble être l’outil incontournable pour faire aboutir le DEA-T. 
Il est l’interface indispensable entre les art-thérapeutes et les pouvoirs publics.

Mes deux motions ont été votées lors de la création du Collectif National des Art-thérapeutes à Lyon le 15 avril 2017.

Conclusion :
Pris en tenaille entre l’animateur et l’ergothérapeute, l’art-thérapeute saura-t-il trouver sa propre identité ?
Pour qu’il puisse rivaliser sur le terrain de la clinique, il est indispensable de mettre en œuvre un travail de recherche et d’évaluation en art-thérapie. Seul ce travail peut être pris en compte sur le plan des sciences humaines. Seul ce travail sera pris en compte par le corps médical.

Jean-Louis Aguilar / Art-Thérapeute
Président de l'Association de Recherche en Art et Thérapie
Directeur de recherche associative au Comité Scientifique de Recherche Associative (CSRA)