jeudi 30 octobre 2014

Rencontres à MOUREZE !

Nous nous sommes rendus Béa et moi à Mourèze, pour les Journées Européennes du Patrimoine.
Prenant le contre-pied des grosses machineries culturelles, nous avons plongé au cœur de l'arrière pays héraultais.
Là, dans ce village au pied d'un cirque où la présence de l'Homme remonte à la préhistoire, se trouve Mouréze. Nous y avons rencontré des femmes et des hommes, nous faisant part de leur joie de vivre et de leur envie de partager leur travail de création.


Emmanuel COMETTO, sculpteur et organisateur du "Sentier artistique NATUR'ART" de Mourèze.


Exposition "Traces créatives en communion" jusqu'au 28 novembre 2014.
Dominique VALLÉE : "Racines"
"Après avoir exploré diverses techniques et matériaux, je cherche aujourd'hui la mémoire  du geste ancestral, où la main nue est au simple contact des pierres et des végétaux, mêlant et entremêlant lianes, tiges et racines, dans un espace hors du temps qui me relie à l'univers...
Suspendus sous forme de compositions mobiles, ces assemblages décrivent des formes éphémères et mouvantes et  sont des invitations à la méditation..."


Sophie FARDET : "L'essence humaine"



"C'est au travers de la transparence du verre que vient s'inscrire l'épure de mes engagements. Rassemblant le corps, la pensée et l'âme en un tableau linéaire venant se refléter sur les murs.
Les corps en mouvement, les pensées de paix, de liberté et d'amour, étayés par le sonagraphe d"ode à la joie", symbole de nos âmes ascendantes."

Frédéric BEEUWSAERT : "D'abîmes et de félicités"
"C'est sous la forme d'un bas-relief dévoilant des vibrations frémissantes contrastées par des lignes de failles cicatricielles que s'inscrit un travail de martelage et pliage mis en mouvement à la flamme.
Oscillations entre les abîmes et les félicités, les ombres et les lumières, illustrant les limbes de notre réelle condition humaine.
Un diptyque, comme une porte d'entrée à la conscience de nous-même.


Puis, au détour d'une rue, nous tombons devant l'entrée d'une maison-galerie, pour faire la connaissance de Stéphane GARCIA, Sculpteur et Céramiste de grand talent.



Merci à tous les artistes pour leur désir de partager leur création.

Jean-louis Aguilar-Anton / Art/Blogueur

dimanche 26 octobre 2014

Psychanalyse et Médiation Artistique par Sylvia FERRARO (chapitre 4)

Chapitre 4 -suite et fin

J'exposerai un cas de psychothérapie individuelle dans lequel la Musique acquiert une place importante.

Marie, ou comment la Vie peut trouver son dernier bastion dans la Musique.
Une adolescente de 17 ans, qui a toujours été une étudiante excellente, très auto-exigeante, est amenée à ma consultation par sa mère. La jeune fille est extrêmement déprimée. Elle a des problèmes de rendement scolaire pour la première fois dans ses études. Son sentiment de solitude et sa douleur ne trouvent pas consolation ni dans le sein familial ni dans la compagnie de ses amis.

 Dans le deuxième entretien, seule avec moi, elle me raconte qu’elle a commencé à se brûler la peau avec des cigarettes et qu'elle cache un couteau sous le matelas de son lit avec lequel elle "joue" et avec lequel elle se produit de petites coupures. Par moments elle ne désire plus vivre.

Elle rêve avec insistance d'une scène dans laquelle une jeune fille comme elle apparaît morte, saignée, dans le bain du collège.
 Etant donné que l'un de ses plus grands plaisirs a toujours été la Peinture, je lui demande de se dessiner ou de se colorier elle-même. Elle essaye mais elle éclate en sanglots en déclarant qu'elle ne peut pas le faire, elle ne sait même pas par où commencer. Je comprends qu'elle a perdu la représentation de son corps.
 Je présente à la famille le besoin de commencer la psychothérapie en étroite coordination avec un abordage psychiatrique, ce que je fais immédiatement.

 Peu de jours après nous réalisons une séance dans son domicile puisqu'elle ne réussit pas à se lever du lit. J'observe qu'elle a peint toute sa chambre à coucher en simulant un enfer : des flammes sortent du plancher s’élevant par les murs. L'œuvre est sans doute très harmonieuse dans sa forme et ses couleurs, et des images se détache une grande beauté. Son talent d’artiste me permet d'une manière que je ne peux pas expliquer, avoir confiance dans son évolution. Le lien thérapeutique est récent mais il est rapidement approfondi.
Dans sa chambre une musique sonne de façon permanente qu'elle a choisie comme compagnie privilégiée : "Chanson pour ma mort" du groupe rock argentin "Sui Generis". Elle dit que cette chanson la calme. Elle trouve une consolation et une compréhension dans son écoute et chante à son tour avec le disque par moments. Je l'accompagne, puisque je connais la chanson qui parle de la mort comme d'une maîtresse. Le protagoniste "prépare le lit pour deux", un lit d’amour et de mort au même temps.
 Ma patiente à son tour, ajoute sur la mort qu’elle l'imagine comme une très belle femme, très blanche, dans le giron de laquelle elle trouvera enfin la paix et le soulagement. Je peux sentir son angoisse intense sur moi, malgré son apparent état paisible.
La musique finit et recommence continuellement, elle ne s'arrête jamais, en créant un climat dans la chambre que j’expérimente comme un support symbolique.             
Elle semble essayer de tisser une faible maille dans le vide.

        La situation continue à être très précaire, et, peu de jours après, Marie essaie de se jeter par la fenêtre de son habitation, dans un huitième étage. Elle est prise fort à temps par la bonne de la maison, que Marie aime comme une mère, puisqu'elle a pratiquement occupé cette place dans sa vie et celle de sa sœur, étant donné le  travail qui absorbent ses parents.

Je lui rends visite dans la clinique dans laquelle elle a été internée, au cours de sa récupération elle peut me parler de son désespoir profond et de son "vide presque total". Quand je lui demande le pourquoi du mot « presque », elle me dit : "Ceci a à voir avec la Musique ... c'est l'extase pour moi ... quelque chose de beau ... c'est l'une des seules choses qui me fait sentir vivante et heureuse ... seulement pour vivre quelque chose de pareil encore une fois (elle se réfère à un concert auquel elle a assisté auparavant) cela vaut la peine de  continuer à vivre".

Sans entrer dans les considérations psychopathologiques de ce cas, complexe aussi parce qu’il s’agit d'une adolescente, je trouve important de souligner que chez cette patiente la création artistique qu’elle pouvait encore atteindre (la peinture) , et à la fin la Musique, ont étés des éléments qui ont étés toujours présents jusqu'au dénouement de la crise et qui ont collaboré tout de suite à son rétablissement .

Une année après cette crise la psychiatre traitante a commencé à retirer la médication et après trois ans elle ne l'a plus considérée nécessaire.
Heureusement sa récupération a été couronnée de succès.
Neuf ans après, Marie est aujourd'hui un Docteur en Médecine Vétérinaire, engagée avec des organisations de défense de la vie sur la planète. Elle vit avec sa partenaire. Elle n'a pas eu de rechutes.
Actuellement, elle me consulte très sporadiquement à propos de sujets ponctuels. Elle maintient son amour pour les arts, et se souvient comment à l’époque critique elle sentait que seulement lui restait la Musique.

                                                         --------------------

        J'ai voulu tracer dans une forme très schématique à ce travail mon positionnement théorique, et montrer avec ces vignettes une modalité clinique à laquelle je suis arrivé dans une synthèse personnelle au long des années. Il s’agit d’une synthèse toujours provisoire, ouverte qui se nourrit d'une manière permanente.

 Je suis pleinement convaincue que celle-ci et d'autres manières possibles de médiation avec l'Art et l'expression, constituent une grande promesse face aux défis, chaque fois plus grands auxquels nous sommes confrontés en clinique, et en général toute intervention dans la santé mentale à l’heure actuelle.

L'énorme potentiel, la versatilité des médiateurs expressifs - artistiques, nous encourage, en tant que psychothérapeutes, à créer de façon permanente.

 Nous pouvons dire que la Science nous invite à l'Art, et celui-ci à son tour, nous permet d'explorer et d'agrandir les frontières de la Science.



Bibliographie

1. ABADI Sonia - “Transiciones. El modelo terapéutico de D. Winnicott”. Lumen, 1996
2. ABBAGNANO Nicola - Diccionario de Filosofía.
3. ARVEILLER J.- “Musicothérapies en psychiatrie”. Encycl. Méd. Chir.  
    (Paris, France), Psychiatrie, 37817 G10, 2-1985, 4p.             
4. BRUSCIA Kenneth - “Definiendo Musicoterapia”. Amarú Ediciones.
      Salamanca, 1997.
5. CORTÉS MORATÓ J. ; MARTÍNEZ RUI A. -Diccionario de Filosofía. Ed. Herder. Barcelona.
6. CHANTAVOINE y GAUDEFROY-DEMOMBYNES - “El Romanticismo en la música europea”. Uteha. Mexico 1958.
7.      ESCANDE M. ; GRANIER F. ; GIRARD M.- “Art-thérapie –Aspects communs et specifiques des différents techniques”. Editions Techniques – Encycl.Méd. Chir. (Paris, France), Psychiatrie, 37-820.B-60,1994, 6p
8.      ESCUELA NACIONAL DE BELLAS ARTES -  Seminario de las Estéticas III.
     ”Los lenguajes en el Arte”. Universidad de la República, Montevideo, 1996.
9.      FREUD Sigmund - “Un recuerdo infantil de Leonardo Da Vinci”. Obras Completas. Editorial Biblioteca Nueva. Madrid, 1981.
10.  GARBARINO Héctor y colaboradores - “El Ser en Psicoanálisis”. Biblioteca de Psicoanálisis,   EPPAL, Montevideo, 1990.
11.  GARBARINO Héctor y colaboradores - “La Teoría del Ser en la clínica”. Roca Viva Editorial. Montevideo, 1993.
12.      GARBARINO Héctor y colaboradores - “Espacio y Tiempo en las patologías mentales”. Roca Viva Editorial. Montevideo, 1998.
13.      HEGEL Georg W.F.- “Estética”. Vol.7:”La pintura y la música”. Ed. Siglo Veinte. Bs. As.
14. KANDINSKY Vassily -  “Sobre lo espiritual en el Arte”. Ediciones Libertador. Bs. As.2003.
15. LANGER Suzanne K.- “Nueva clave de la Filosofía”. Ed. Sur. Bs As.1958.
16. MARÍAS Julián - “Historia de la Filosofía”. Revista de Occidente s.a.
        Madrid, 1963.
17. NIETZCHE Friedrich - “El origen de la tragedia a partir del espíritu de la Música”. Ed. Libertador. Bs.As., 2003        
18. PAÍN Sara y JARREAU Gladys - “Una psicoterapia por el arte”. Nueva Visión. BsAs. 1995
19. POCH BLASCO Serafina - “Compendio de Musicoterapia”. Ed. Herder.Barcelona, 1999.
20. ROWELL Lewis - “Introducción a la filosofía de la Música”. Ed. Gedisa,Bs. As., 1985.
21. THAYER GASTON E.- “Tratado de Musicoterapia”. Paidós. Mexico, 1993.
22. LECOURT Edith - “La envoltura musical”, en “Las envolturas psíquicas”. 
Didier Anzieu y otros. Amorrortu Editores, Bs. As. 1990.
23. LECOURT Edith – “El grito está siempre afinado. Viñetas de la clínica      Musicoterapéutica”. Ed. Lumen, Bs. As., 2006.
24. ANZIEU Didier – “El psicodrama psicoanalítico en el niño y en el adolescente”. Paidós. Buenos Aires, 1982.
25. ANZIEU, Didier – “El cuerpo de la obra”. Siglo XXI Editorial, México, 1993.
26. RACKER Heinrich –, "Aportaciones al psicoanálisis de la música", 
Revista de Psicoanálisis. Buenos Aires, IX, 1, 1952.
27. RACKER Heinrich –"Las relaciones de la música con el inconciente". Revista de Psicoanálisis. Buenos Aires, IX, 4, 1954.
28. PANKOW Gisela – “El hombre y su psicosis”. Amorrortu Editores. Bs. As. 1974.


Je remercie tout particulièrement Sylvia Ferraro pour l'enrichissement qu'elle apporte à l'Association de Recherche en Art et Thérapie de Béziers (France).

Mis en ligne avec l'aimable autorisation de l'auteure.

jeudi 23 octobre 2014

Psychanalyse et Médiation Artistique par Sylvia FERRARO (chapitre 3)

Chapitre 3 -suite

  LA MUSIQUE.

 Dans la plupart des cas que j'ai cité la musique est présente. Quel poids relatif lui octroyer comme variable dans chaque dispositif thérapeutique est objet de recherche et débat dans la Musicothérapie.
En prenant en compte la grande diversité du panorama que la Musicothérapie offre actuellement comme Kenneth Bruscia (4) l'expose, je me situe entre ceux qui placent la Musicothérapie dans le cadre de la constellation de l’Art-thérapie
Comme en relation à tous les arts, l’on analyse et l’on discute dans les différents domaines du savoir les possibles déterminants biologiques, psychologiques, sociaux et spirituels de la Musique; existe des points de vue  très différents à ce sujet.

Dans la tradition philosophique, la Musique s'est largement associée à la Métaphysique.
Elle est considéré soit comme une science ou un art privilégié puisqu'elle  à pour objet la réalité suprême ou divine (Dieu, un principe cosmique, une Raison consciente de soi-même), soit comme une révélation à l'Homme de la dite réalité, qui peut acquérir la forme de la connaissance ou du sentiment.

La croyance que la Musique possède un pouvoir extraordinaire, merveilleux ou redoutable, est peut-être l'un des aspects les plus essentiels du mythe de la Musique, qui possède cependant aussi la qualité paradoxale d'être éphémère, fragile, intangible.

Elle était considérée par les Grecs comme quelque chose de précieux par sa capacité de régler l'âme et de produire des bonnes qualités chez ses auditeurs; mais elle était aussi considérée dangereuse par sa capacité de droguer et porter aux excès dans la conduite.
Damón d'Athènes *5, l'un des maîtres de Socrate, a été un des premiers à suggérer une connexion spécifique entre la Musique et la formation du caractère : "Le chant et la danse surgissent nécessairement quand l’esprit est ému; des chansons et des danses libres et belles créent une âme semblable et l'espèce opposée crée une espèce d'âme opposée".
 Platon considérait la Musique comme un "auxiliaire de l'âme, quand celle-ci a perdu son harmonie, pour l’aider à la restaurer ... et qu’elle soit en harmonie avec elle-même" *6.
Il parlait comme le feront un peu plus tard Schopenhauer, Hegel et Plotin, de « l’essence » de la Musique, de sa nature universelle et éternelle, séparable des moyens expressifs par lesquels elle prend corps comme Art.

Pour Hegel, la Musique constitue la manifestation la plus authentique qui adopte le subjectif en tant que tel,  tant dans le contenu comme dans la forme : étant fait d'un matériel sonore, il n'est pas fixé dans des formes spatiales et il s'écoule dans le temps, comme le sentiment. Voilà pourquoi elle est si adéquate pour l'exprimer.
 "La musique … est l'Art de l'âme qui retourne immédiatement à l'âme même" (13) : le son intériorisé à l'instant même qu’il est produit. Puisque le moi est dans le temps, et celui-ci est l'élément dans lequel la Musique acquiert une existence, elle pénètre dans le moi lui-même et le met en mouvement. C’est là où réside le fondement essentiel du pouvoir de la Musique pour Hegel.
"Oui … nous pouvons considérer (l'Art) comme une libération de l'âme... aussitôt que ... il adoucit les destinations les plus violentes et tragiques au moyen des formes contemplatives et peut se convertir en jouissance, ainsi la Musique porte cette liberté au dernier sommet" (13).

 La musique comme médiateur thérapeutique.

Du point de vue clinique et surtout empirique, il existe un consensus traditionnel depuis longtemps en ce qui concerne l'indication privilégiée de la Musique dans le traitement de l'autisme, des psychoses, des addictions, des handicaps physiques sévères, c'est-à-dire l’on reconnaît en elle la capacité d'accéder précisément à ce qui échappe au langage et le véhicule.

 De la même manière l’on souligne sa valeur de permettre une expression cathartique des affections, des émotions, d'une médiation pré ou non verbale dans le lien thérapeutique, capable d'être vécu comme non dangereuse pour certains patients graves.

 Qu'est-ce que la Psychanalyse a à dire à ce propos ?

Un des rares auteurs qui ont investigué dans la compréhension psychanalytique de la Musique a été Heinrich Racker, psychiatre, psychanalyste et musicien allemand qui s'est établi en Argentine à l'époque de la deuxième guerre mondiale étant l'un des fondateurs de la Psychanalyse au Río de la Plata. (Argentine et Uruguay, note de traduction)
 Racker lui même exprime que la Psychanalyse a pris que peu de fois  la musique comme objet de recherche et que à leur tour les causes de ce phénomène ont été peu enquêtées.
L'une des difficultés consiste, selon lui, en ce que le contenu de la Musique n'est pas d'une nature objectale, mais son caractère serait narcissique et autoérotique; elle peut "exprimer les processus dans le moi qui se chargent d'une libido narcissique, spécialement les vicissitudes des instincts aussitôt qu’ils (26) se rapportent au moi".

Dans son article en 1952 (26), il réalise une étude soigneuse du matériel surgi dans l'analyse d'une patiente musicienne. Basé sur cela, dans l'expérience d'autres musiciens et dans la sienne, il établit à grands traits les hypothèses suivantes : la Musique constitue une défense contre des objets mauvais, des objets séducteurs, frustrants, destructeurs et punisseurs, ou bien, contre les dangers des instincts érotiques et agressifs. C'est aussi un moyen pour la récupération de l'objet perdu (ou bien la récupération du moi perdu).

Racker rappelle que "Faust (de Goethe) est arrêté dans son intention de se suicider, en se maintenant vivant à cause d’un chant choral et grâce au son des quelques cloches." La musique et la foi, une chanson et une prière apparaissent ici à nouveau  fondus (comme chez son patient). Ils signifient pour lui "le baiser de l'amour céleste" et le portent a nouveau à une "expérience heureuse de sa jeunesse" :
 "Continuez de sonner, douces chansons du ciel!
 La larme pousse, la terre m'a à nouveau! "
La Musique apparaît comme le bon objet, Faust reçoit son amour, en pouvant ainsi pleurer et aimer à nouveau ".
 "D'une manière similaire Schiller, dans son poème" Le pouvoir du chant ", compare l'effet de la musique à la réunion de l’enfant avec la mère" (27).

Racker montre comment, dans l'analyse de son patient  la Musique apparaît aussi comme une opposition et une transformation de l'instinct indompté, dans le noble; du terrifiant et l'affreux, dans le beau; et de la haine, dans l'amour. C'est-à-dire que l'esprit de la Musique est vu comme opposition et transformation de tout ce qui constituait en elle un "fond de la dépression et de la paranoïa" (26).
  
 Devant les conflits avec les objets réels et introspectifs, l'Homme cherche un monde au-delà des relations objectales. "Génétiquement il doit être l’état narcissique dans le ventre maternel et probablement aussi certains états passagers de paix interne de la première époque de la vie qu’il cherche à récupérer dans la connexion avec la Musique. Une relation heureuse semble être contenue dans celle-ci avec un bon objet qui n’est même pas  perçu comme tel, c'est-à-dire comme objet" (26). 
 Ce bonheur "au-delà de ce monde" est celui que plusieurs musiciens décrivent quand ils parlent de ses états d'inspiration musicale créatrice et aussi reproductive et réceptive.
"… Cette sensation d'aimer et d'être aimé, comparé à l'extase sexuelle et comparable aussi au bonheur rêvé de l'état  narcissique dans le ventre maternel, cette sensation d'une unité heureuse à un bon objet, nous fait affirmer que la Musique ne représente pas seulement un moyen de défense face à des objets mauvais et un moyen de récupérer les bons objets, mais de plus elle représente au bon objet lui-même" (26).

*5 Cité par Rowell (20)  *6 Idem (20)

Fin du chapitre 3.

dimanche 19 octobre 2014

Psychanalyse et Médiation Artistique par Sylvia FERRARO (chapitre 2)

Chapitre 2 -suite.

La question esthétique.
 Certaines approches de la Psychologie et de la Psychanalyse se sont aventurées à "interpréter" des œuvres d'art en essayant de comprendre ainsi une modalité symbolique qui se rattache au rêve, la fantaisie et la vie imaginative. 
 De cette façon peut-être peuvent-ils s'approcher des motivations internes de l'artiste mais ils ne peuvent pas rendre compte de la totalité du phénomène artistique. Un signe éloquent de cela consiste en ce que, par exemple, ils ne peuvent pas offrir des critères de qualité artistique. C'est que par sa propre nature l'Art est irréductible et déborde ces considérations.

De mon point de vue, introduire l'Art dans le set thérapeutique implique inévitablement de convoquer, dans une forme assumée ou non, la dimension esthétique inhérente. Cela implique la nécessité d'une réflexion sur les problèmes relatifs à la fonction esthétique à travers l'histoire de l'Art, en incluant l’Art contemporain. 

La fonction esthétique remonte aux origines de l'homme : le sentiment du sublime, la nécessité de beauté et de transcendance distingue particulièrement la condition humaine.
 Je cite Sara Paín : "depuis le début de son histoire, l'Homme a ajouté à la fabrication des objets un excédent non fonctionnel, lié à la forme et à la décoration. Le travail ... il était tel marqué par son individualité et son unicité ... et voilà qu'il représente une tentative de survivre" dans l'oeuvre (18).
 A juste titre cette auteure  remarque que déjà le bébé est un objet esthétique. Le plaisir qu’il nous produit de le contempler lui fait sentir à son tour notre admiration. 
Le plaisir ou le mécontentement, le beau et le laid ce sont des notions que la culture transmet à tous les êtres humains à travers la famille, l'éducation, et aujourd'hui les médias. Depuis le commencement de la vie, les gestes d'approbation ou de désapprobation, d'admiration ou de rejet qui ont été montrés à l'enfant face à chacune de ses expériences avec son environnement, avec ses semblables, avec son propre corps, l'imprègnent d’esthétisme et forment son sens esthétique. Il s'agit donc d'une dimension constitutive du sujet, d’un système de références qui oriente son évaluation du monde et  de soi même et qui se rattache étroitement à son sens éthique.
 Dans le domaine de la clinique avec l'Art, ces aspects sont déployés par le patient et nous présentent son histoire, son environnement et son processus de subjectivation.

       Le transfert
Les mouvements transférentiels se manifestent aussi dans la dimension expressive-artistique mise en jeu. L’on pourrait dire qu'il y a une imbrication indissociable des processus thérapeutiques et créatifs.
 Une patiente adolescente avec un lien historiquement conflictuel avec sa mère, travaille autour de sa féminité en sculpture en argile. Elle donne forme a des figures humaines qui peu à peu donnent naissance à un être féminin : en partant des corps asexués elle commence à travailler des formes de plus en plus arrondies jusqu'à ce que la boue acquière une claire forme de corps de femme. Elle exprime ainsi dans les sculptures un processus analytique mais elle déclare avec surprise que les sculptures lui "rendent" aussi des nouveaux éléments d'analyse.

Au milieu du processus, une fois obtenue une certaine synthèse encore précaire, elle rêve qu'elle me cherche dans la rue sans pouvoir me trouver pour me montrer ses sculptures faites avec de la boue que la pluie menace de diluer. Le discours expressif - artistique se mêle avec l'onirique  et le verbal, rythmé par le mouvement transférentiel.
 La série de "femmes de boue" finissent pour elle quand elle peut m'offrir une belle tête de femme africaine qui dans le revers présente un trou généreux dans lequel l’on  reconnaît la forme d'un utérus. Elle exprime ainsi son propre creusement, le renoncement à la complétude, la reconnaissance de l'espace thérapeutique comme le continent de l'affection et de la pensée.

Egalement chez le thérapeute seront présentes les évaluations esthétiques, qui doivent être bien connues, exhaustivement analysées et clairement assumées, du même que d’autres aspects de sa personnalité.
 Nier ces aspects, ou ne pas prendre en considération cette dimension peut signifier une mutilation du processus et du patient et même le risque de l'imposition non consciente des évaluations du thérapeute. Le patient doit être soutenu dans sa recherche  expressive et un objectif désirable consiste en ce qu'il puisse trouver une signification dans sa création ou trouver dans l'Art une forme de compréhension, de soulagement.

L'effet esthétique de plaisir, soit face à ce qui se passe dans le processus créateur comme la réussite de certaine synthèse, soit de la contemplation ou l'écoute des œuvres d'art dans lesquelles le patient trouve une résonance, se rattache souvent aux mouvements d'insight, d'un agrandissement de la disponibilité de soi-même, d'une croissance mentale. "L’émotion esthétique a souvent le pouvoir d'engendrer un fonctionnement psychique nouveau en créant un effet de surprise ou de surprenante étrangeté" (7), qui peuvent être décisifs dans le cours du traitement.

Jacques Derrida (1978, citée par Paín) rachète l'essence du phénomène esthétique quand il dit : "L'évaluation mathématique de la taille n'arrive jamais à son maximum. L'évaluation esthétique y arrive; et ce maximum subjectif constitue la référence absolue qui éveille le sentiment du sublime : c'est le corps qui s'érige comme unité de mesure".
 Berenson, cité par Lewis Rowell dit par rapport aux Arts Visuels : "le moment esthétique c’est cet instant fugace ... dans lequel le spectateur se trouve dans une unité avec l'oeuvre d'art … Tous les deux deviennent une entité unique : le temps et l'espace  sont abolis et le spectateur est possédé par une reconnaissance ... c'est un moment de vision mystique" (20).

L'expérience esthétique est une expérience de symbolisation.

 Apollon et Dionysos.

 Je pense que l'Art représente en soi-même une activité intégratrice, parce qu’elle convoque l'émotion et la cognition, le rationnel et l’irrationnel, la forme et le contenu. Il n'est pas possible de considérer proprement l’artistique au déploiement technique dans soi-même s'il est vide d’émotion ou d’idée. L’on ne peut considérer l’artistique comme  l’émotivité dépourvue de forme.

"Les Grecs ont fait une claire distinction entre la matière et la forme... Le concept général de forme était un principe activeur qui, après être appliqué à la matière passive et indéterminée la transformait en résultat artistique : une statue, un temple … une chanson ou une danse." (20) Sans forme, la substance était vague, indéfinie, illimitée et par conséquent méconnaissable.
 Herbert Marcuse *4 synthétisait : "Une oeuvre d'art n'est pas authentique ou vraie ni en vertu de son contenu ni en vertu de sa forme"pure", mais parce que le contenu est devenu forme". 

Friederich Nietzche dont la pensée se rattache à celle de Freud a choisi les termes  apollinien et dionysiaque pour se référer à ce qu'il voyait comme les deux impulsions centrales de la culture grecque dans son oeuvre "La naissance de la tragédie à partir de l'esprit de la Musique".
 Apollon symbolise tout ce qui est ordonné, modéré, proportionné, rationnel, compréhensible et clair dans sa structure formelle. Dionysos, dieu du vin et seigneur des orgies et du théâtre, symbolise tout l'extatique, désorganisé, irrationnel, instinctif, émotionnel; c'est-à-dire, tout ce qui tend à abolir l'individualité.

Nietzche expose que "l'évolution progressive de l'Art est le résultat de l'esprit d'Apollon et de l'esprit dionysiaque, de la même manière que par la différence des sexes la vie est perpétuée". Ces deux forces, dit-t-il, "émanent de la même Nature" et sont conjugués par "le feu de l'artiste humain" : 
 Il conclut en disant que "la vraie nature de l'illusion apollinienne" est "de veiller sans cesse ... l'action dionysiaque", et de cette façon, "on atteint, la fin suprême de la tragédie et de l'Art".

Les notions de "forme significative" et d’ "unité organique" dans l'œuvre d'art, ont un large consensus dans les analyses esthétiques. Il me semble inévitable de remarquer la relation profonde entre ces concepts et l'équilibre psychique humain.
*4 Cité par Paín (18)

Fin du chapitre 2.




jeudi 16 octobre 2014

Psychanalyse et Médiation Artistique par Sylvia FERRARO (chapitre 1)

Sylvia Ferraro * : Psychologue clinicienne dont la formation comprend des études de Psychanalyse, Musique, Musicologie, Danse classique, Expression Corporelle et Musicothérapie. Elle enquête sur différentes interventions en santé mentale avec des médiateurs expressifs - artistiques, préventifs et thérapeutiques, depuis 20 ans. Elle a travaillé dans un hôpital psychiatrique, dans des institutions éducatives, et dirige sa propre clinique, Espacio Ser Arte Terapia.
Elle vit et travaille à Montevideo (Uruguay).

Le point de vue que je délimiterai dans cet exposé, part de ma propre vie, de la nécessité profonde d'articuler deux grandes passions qui constituent ma vocation: l'Art et le travail avec des personnes qui se trouvent dans une situation de souffrance psychique. J'ai eu la fortune de croître accompagnée par l'Art, spécialement par la musique et par la danse et depuis plus de trente ans, aussi par la Psychanalyse : comme patiente, disciple et psychothérapeute.
Au point de départ de ces sources j'enquête sur des possibilités distinctes d'articulation, en essayant d'être fidèle à la Psychanalyse et à l'Art, dans le sens d'être ouverte d'une manière permanente à l'étonnement, tant dans sa dimension sublime, merveilleuse, comme abyssale et en prenant comme base la valeur de la médiation, de la transition dans le chemin vers la symbolisation qu’offre l'Art.

Avec ces points de repère je m'approche de l’Art-thérapie 1, en insistant particulièrement sur ce mot immense qui a comme préfixe : l'Art.  Quand je dis thérapie, je parle d'une psychothérapie, et je souligne la notion du processus qui intègre l'artistique dans le sens de lien et de cadre.

Je ferai référence à l'usage de l'Art en contemplant les différents niveaux possibles de l'expérience artistique, et en assumant que dans certains cas ou moments les patients se montrent (je cite textuellement Bruscia, qui se rapporte dans ce cas à la Musique) : "incapables de capter les aspects les plus sophistiqués de la Musique et ils ont besoin d'expérimenter ses éléments basiques et composants à un niveau plus primaire" ou "ils ne sont psychologiquement préparés pour confronter leurs problèmes au moyen d’une expérience musicale complète". (4) J'étends cette réserve à toutes les expressions artistiques.
 Dans de tels cas, il est possible de prendre en prêt à l'Art ses différents éléments, conformément aux fins thérapeutiques : ses matériels, ses techniques, ses procédures, l'idée de processus créateur, l'idée de produit.

  Chez l'art-thérapeute un double regard se conjugue : outre les connaissances sur les processus psychologiques qui servent de base à la créativité et une théorie de la structuration symbolique, il possède une formation artistique suffisante et une position prise à l'égard de l'Art, son histoire et sa philosophie, et la question esthétique.

En ce qui concerne la mesure et la modalité d'intégration de l'artistique dans les processus thérapeutiques, je maintiens une amplitude considérable, en évaluant la convenance dans chaque cas, du préventif au thérapeutique, individuel ou de groupe, la mise en jeu du créatif ou  l'utilisation d’œuvres d'Art comme médiatrices (musique enregistrée, des tableaux, contes, y compris des films).

En quoi l'Art se rattache-t-il à l'équilibre humain ?

C'est une forme symbolique.

La philosophe de l'Art  Suzanne Langer a formulé que l'Art, comme la parole, le rituel et la magie, est l'un des produits actifs d'une transformation symbolique de l'expérience qui constitue une nécessité humaine de base. La symbolisation est l'acte essentiel de l'esprit et il englobe plus que ce que nous appelons la pensée, à laquelle il procède et rend possible.

   L'importance éminente de la symbolisation est abordée en général dans la littérature psychanalytique classique en relation au jeu infantile. Même dans ce contexte on valorise comme but  la verbalisation,  la parole en tant que symbole.
 Je ne cesse pas de tenir compte de l'importance évidente du langage verbal. Il coule de source de dire que si le mot était capable de signifier la totalité de l'expérience humaine, les Arts Plastiques, la Musique et la Danse, resteraient reléguées au second plan par rapport à la Littérature, ou peut-être ils n'auraient même pas sens d'exister.

Je suis convaincue de ce que non seulement il est indiqué un abord médiatisé chez les personnes porteuses de maladies mentales graves et d'handicaps cognitifs et (ou) physiques qui entravent ou empêchent l'accès au symbole verbal. D'un côté, par la raison exposée : il existe des dimensions de l'expérience subjective qui ne peuvent pas être comprises par le langage verbal. D'un autre côté, parce que nous assistons à un moment historique dans lequel l’expérience clinique même nous montre comment la capacité de symbolisation des patients en général est appauvrie.

Il s'impose alors la nécessité de recourir aux langages alternatifs au verbal et même aux dispositifs alternatifs et/ou complémentaires, préalable ou parallèlement au moins dans une première instance. Autrement le conflit courrait le risque de rester attrapé, sans pouvoir trouver un véhicule qui lui permette de le faire symbolisable dans la psychothérapie. C’est dans ce point que, dans ses aspects multiples, l'Art peut devenir un médiateur.

Psychanalyse et Art.

Rares sont les auteurs psychanalytiques qui se sont occupés de l'Art en général, et encore moins de la Musique. Marqué par le dégoût de Freud vers le musical, la Psychanalyse s'est érigée comme une théorie sourde. Je suis de ceux qui croient possible de la sonoriser, un travail initié déjà par Edith Lecourt.
      Freud a reconnu les limites de la Psychanalyse face à l'Art, quand il a dit "l'essence de la fonction artistique nous est psychanalytiquement inaccessible." (9) Et il a ajouté : "Nous aurions du plaisir à indiquer dans quelle forme dépend l'activité artistique des instincts primitifs animiques, mais nos moyens semblent insuffisants pour cela." (9)

 Quand on mentionne les déroulements psychanalytiques relatifs à la créativité, le nom de Donald Winnicott surgit naturellement. Cet auteur a aussi signalé les difficultés de la Psychanalyse à aborder la question et a fait des apports de grande valeur dans ce sens, entre lesquels se détache le concept d'espace transitionnel. Dans cette zone intermédiaire entre la réalité psychique et la réalité externe, entre le moi et non moi, qui articule la présence et l'absence maternelles, Winnicott situe le point de départ de la créativité.
Toute la culture, y compris l'Art, est comprise par lui depuis le paradigme du jeu comme forme de transitionnalité. Cependant l'auteur reconnaît la nécessité d'un modèle théorique plus large dans lequel placer l'activité ludique comme expérience humaine présente dans toutes les civilisations.

 De toute façon, il est indéniable que la Psychanalyse doit en grande partie aux  développements de Winnicott la possibilité technique d'utiliser dans les abordages thérapeutiques d'autres langages alternatifs au verbal, ainsi que la réflexion théorique à propos de cela.

Je crois important de mentionner Didier Anzieu et ses travaux sur le processus créateur, ses réflexions à propos de l'Art (25) et sa préoccupation pour adapter des techniques innovatrices d'abordage, comme dans le cas du psychodrame de Moreno qu' Anzieu change en outil psychanalytique (24). 
 Une autre psychanalyste qui s'est spécialisée au travail avec des patients psychotiques, Gisela Pankow, a aussi réalisé une adaptation du set psychanalytique à tels effets, et elle a travaillé avec de la masse à modeler, des dessins, et la relaxation (28).
                                                ...................

        L'Art constitue un domaine de communion de l'Humanité à travers le temps et l'espace. C'est un lieu dans lequel ils peuvent avoir place de la même façon toutes les lumières et les obscurités de l’Homme, dans lequel les aspirations les plus élevées acquièrent des formes magnifiques et les plus tendres sentiments, les mouvements les plus subtils de l'âme peuvent être exprimés d'une manière singulière, comme les tendances les plus sinistres, l'effrayant, les angoisses les plus abyssales, peuvent renaître, être racheté, acquérir une valeur esthétique, transcendante, que l’on peut partager; un lieu, en fin, dans lequel l'impossible devient symboliquement possible.

"La mission de l'artiste est de jeter une lumière sur les ténèbres du cœur humain", dit Robert Schumann *2.

Vassily Kandinsky conçoit l'art comme une manifestation spirituelle et celle-ci a pour lui une fin : "c'est un nutriment pour l'esprit ... puisque le spectateur trouve un lien avec son âme". Il souligne la notion de lien  avec l'oeuvre d'art concevant celle-ci comme un être vivant : "… cette résonance ne reste pas dans l'aspect superficiel : l'état d'âme de l'oeuvre peut s'approfondir et changer l'état d'âme du spectateur. Dans tous les cas, ces œuvres ne permettent pas la bassesse de l'âme et ils la soutiennent dans un ton déterminé, comme un diapason... Mais même comme ceci, l'étendue et l'action purificatrice de ce ton sont unilatérales dans le temps et dans l'espace, et ils n’usent  pas tout le pouvoir possible de l'Art."
"Comprendre - continue Kandinsky - signifie que le spectateur est moulé et captivé dans le point de vue de l'artiste." Il remarque aussi que le vrai Art a son fondement dans l'époque dans laquelle il est conçu, "mais n'est pas uniquement un miroir et un écho d'elle, mais il porte en soi une force prophétique vivifiante, qui agit en profondeur" (14).

 Les abordages expressifs - artistiques depuis une perspective psychanalytique. 

L'introduction de la dimension artistique dans le processus thérapeutique permet d’inclure des aspects de l'expérience humaine qui ne sont pas toujours contemplés dans les définitions de santé provenant de la Médecine ou de la Psychologie.

 Elle rend possible, par exemple, une validation du sujet qui n'est pas seulement  celle du thérapeute, mais il s’agit d’une validation plus ample. À partir de son expérience subjective, la production du patient peut aller au delà de l'espace thérapeutique jusqu'à arriver à acquérir même une valeur collective comme oeuvre.
J'ai participé dans le cadre de l'hôpital psychiatrique, du plaisir, du sentiment de réussite, d'évaluation collective, qui représente le fait d'arriver à l'exposition publique d’œuvres plastiques des patients, d'une pièce de théâtre, de danse, de chant choral. Ces productions mettent en jeu une variété de fonctions de la personnalité et surtout une modification, parfois considérable, de la propre image, de l'estime de soi, de la confiance dans les possibilités de créer, de partager.

 Dans un autre contexte, cette fois à l'Atelier d'Expression corporelle et musicale, nous stimulons un groupe d'enfants dans lequel des scènes de confrontation se succédaient à créer les pas de danse qui représentent des luttes. Ils choisissent une musique japonaise, qui devient "samouraïs". J'aide à assembler les pas dans une chorégraphie, nous faisons le vestiaire ensemble. L'expérience a été joyeuse et a permis de traiter d'un autre point de vue le désaccord entre quelques participants.

 Dans les processus thérapeutiques individuels l'Art peut aussi jouer un rôle principal. Un patient adulte grave qui travail l'informatique, doté de talent, utilise des formes et des éléments de son délire et de certaines tendances antisociales dans une série d'animation pour enfants dans laquelle il travaille avec un grand enthousiasme pendant longtemps. Le résultat de ce travail, analytique et créateur à la fois, est devenu un produit avec la valeur suffisante pour être accepté dans les médias. En suite il a commencé à composer de la musique, pour une nouvelle histoire animée que nous partageons dans les séances. Du point de vue psychopathologique, l'évolution a été favorable.

      Le fait d’utiliser l’Art comme médiateur soulève d'autres aspects incontournables, comme la question esthétique, ensemble de phénomènes desquels la Psychologie ne peut tenir compte qu'en partie.

* Chaná 2196 /403, Montevideo, Uruguay.  Email: espacioser@yahoo.com
1 Celle-ci utilisée conformément à la Encyclopédie Médico-Chirurgicale (7) comme l’ "ensemble de techniques nées des interconnexions entre les approches cliniques et thérapeutiques de la psychopathologie et les approches multidimensionnelles des arts".

*2 Cité par Kandinsky (14)

Fin du chapitre 1.